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Droits des femmes en Europe : peut mieux faire !

Dernière mise à jour : 9 mars 2021

Interview diffusée dans l’émission « Place de l’Europe », animée par les Jeunes Européens - Strasbourg, le 8 mars 2021

Photo : Manifestations en faveur du droit à l’avortement devant le Parlement européen de Bruxelles, en septembre 2019. Pierrette Herzberger-Fofana est au centre. Crédit : GUE-NGL (CC BY-SA 2.0)


ENTRETIEN. A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Les Jeunes Européens – Strasbourg ont interviewé l’eurodéputée allemande Pierrette Herzberger-Fofana, membre de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM) et éminente spécialiste de la littérature féministe francophone. Elle répond aux questions de Gwenn Taburet sur la situation des femmes en Europe et dans les institutions de l’UE.


Gwenn Taburet : Bonjour Madame Herzberger-Fofana, merci de nous avoir accordé cette interview. Nous voulions nous entretenir avec vous sur votre activité à la commission FEMM du parlement européen, mais également en tant que femme politique européenne. Depuis quelques années en effet, nous constatons un essor de la cause féministe dans le débat public, notamment chez les jeunes. Avez-vous le sentiment que les choses changent suffisamment au niveau européen ?


Pierrette Herzberger-Fofana : Je vous remercie également pour cette interview. C’est toujours un plaisir pour moi d’échanger avec des gens sensibles à la question du droit des femmes. Ai-je le sentiment que les choses changent de ce point de vue ? Oui, je le pense. Je peux même dire que nous constatons des progrès concernant l’égalité homme-femme, même si, bien sûr, il reste encore beaucoup à faire. Tout n’est pas terminé, nous n’avons pas encore atteint l’égalité parfaite, d’autant plus que nous constatons ces dernière année que des droits acquis par les femmes dans certains pays d’Europe ont été détournés, pour rester polie. Ces acquis étant un peu perdu, cela a donné naissance à une exploitation des filles et des femmes dans le monde entier.


La pandémie de COVID-19 a également eu un impact considérable sur les filles et les femmes et cela a exacerbé les inégalités déjà existantes. De manière générale, en Europe en particulier, les femmes ont été très touchées par les conséquences de la COVID-19 et ont été les victimes de l’augmentation de la violence domestique, de la violence et du harcèlement sexuels. Tout cela devrait nous permettre d’ouvrir les yeux et de se demander pourquoi nous avons fait un pas en arrière durant cette pandémie.


Je pense sincèrement que pour éliminer toute cette violence, tous les Etats membres devraient ratifier et respecter la convention d’Istanbul. Bien sûr, une ratification ne supprimera pas ipso facto la violence, mais au moins, nous aurons une loi qui permettra aux femmes, notamment dans les six derniers pays d’Europe qui n’ont pas ratifié la convention, de réagir, d’aller en justice et de faire respecter leur droits. Personne n’a le droit de faire violence à son prochain.


GT : Au sujet de la pandémie et de la recrudescence des violences faites aux femmes justement, 2021 est encore une année où les violences restent trop élevées, tout comme l’année précédente, marquée par différents confinements. En conséquence, la présidence portugaise du Conseil a inclus dans ses priorités la création d’une ligne téléphonique européenne pour centraliser les témoignages des victimes. Ne trouvez-vous pas que cette décision est éloignée des citoyens ? Pensez-vous que l’Europe est le niveau pertinent pour agir ?


PHF : Bien sûr. Davantage doit être fait pour lutter contre les violences faites aux femmes. Il incombe toutefois aux Etats membres de tout faire afin de baisser les violences. Pour revenir sur cette idée de ligne téléphonique, je peux vous dire que cela existe déjà en Allemagne. Les femmes peuvent appeler à n’importe quelle heure et faire une déclaration de ce qui leur arrive, en allemand et dans d’autres langues des minorités, comme en arabe et en plusieurs langues africaines. Il y a également des « maisons pour femmes battues », appelées aujourd’hui « maisons de femmes » (Frauenhäuser en allemand, ndlr), un refuge pour les femmes victimes et leurs enfants. Ce sont des lieux tenus secrets en général où elles peuvent raconter ce qu’il s’est passé et être conseillées. Il s’agit avant tout de les remettre en confiance.


Je pense que ce genre de structure serait un exemple pour tous les Etats membres, afin de progresser dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Il faut alors que tout le monde s’engage, pas seulement l’Union européenne, mais tout d’abord les gouvernements nationaux et les acteurs de la société civile. Les hommes doivent également s’engager, car s’ils ne s’engagent pas, cela va être très difficile de changer quoi que ce soit. Je dirais donc que la participation de tous est primordiale pour combattre le fléau.


GT : Comme vous l’avez rappelé, vous êtes eurodéputée allemande depuis 2019. Avez-vous l’impression qu’il est plus difficile de se faire une place au Parlement européen en tant que femme ? Pensez-vous que la représentation actuelle des femmes dans les institutions européennes est satisfaisante ?


PHF : Il faut d’abord reconnaître que le Parlement européen est un défenseur de l’égalité entre femmes et hommes. Le 21 janvier dernier, l’hémicycle a même voté un ensemble de mesures sur le sujet. Vous voyez toutefois que cette prise de position est relativement récente. Actuellement, nous avons 40% d’eurodéputée au Parlement européen. Cette proportion est encore plus élevée au sein du personnel administratif, composé à 60% de femmes.


Au parti vert, nous avons une co-présidente de groupe, en la personne de Ska Keller. Parmi les co-présidents et les vice-présidents des autres groupes, il y a également des femmes. Toutefois, j’estime que ce n’est pas assez. Les autres institutions européennes devraient déjà prendre exemple sur le Parlement, 40% d’eurodéputée, ce n’est pas la parité parfaite, mais c’est mieux que rien. Il reste encore beaucoup à faire, dans la mesure où les femmes demeurent minoritaires dans les hautes fonctions dans le monde entier.


En ce qui me concerne particulièrement, en tant que femme noire, je trouve que les minorités sont beaucoup trop peu représentées au sein du parlement, puisque nous sommes six femmes d’origine africaine sur 705 parlementaires. Il y a une autre minorité qui n’est absolument représentée : les Asiatiques, totalement absents de l’hémicycle. Lorsque je prends la parole en tant que membre suppléante de la commission FEMM, j’insiste sur le fait qu’il devrait y avoir une approche « intersectionnelle » (notion sociologique et politique désignant la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de discrimination (ethnique, sexuelle, physique…) dans une société, ndlr) qui pourrait garantir les droits de toutes les filles et les femmes, partout en Europe, mais aussi dans le reste du monde. Toutes les composantes de la société doivent pouvoir être représentée car cela pourrait mettre fin à toutes les discriminations.


GT : Une dernière question pour conclure cet entretien : si vous aviez une mesure phare pour lutter contre les discriminations à l’encontre des femmes, ce serait laquelle ?


PHF : L’approche intersectionnelle dont je viens de vous parler est essentielle. Il ne s’agit pas seulement d’imposer des quotas ethniques, mais il y a aussi des groupes minoritaires qui ne « rentreraient » pas dans ces quotas, comme les femmes porteuses de handicaps qui ne sont pas représentées, même si chez les Verts, nous avons une parlementaire avec un handicap. Je plaide donc pour cette mesure qui rendrait toute cette diversité visible.


Retrouvez cette interview dans l’émission « Place de l’Europe » diffusée le 8 mars sur les ondes de RCF-Alsace, ainsi que sur Euradio. Chaque mois, le pôle médias des Jeunes Européens – Strasbourg intervient dans cette émission pour parler d’un grand enjeu de l’intégration européenne.

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